16 avril 2006, 02h33
Froideur du Foyer
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Douce chanson qui résonne dans la
tête, apologie de l’autodestruction. Ce soir, j’ai décidé de rester seul avec
mon ami Jack Daniel’s. Il me donne mal à la tête, il m’emporte dans des
délires, des excès de joie, de tristesse, de colère : des excès de moi. Je
ris, je pleure, j’hurle, je murmure. Douce folie schizophrène, les voix
résonnent à l’intérieur de ma tête.
Sonneries de téléphone :
non, non, non ! Mon Amour, laisse-moi seul.
Le mot d’ordre de la soirée ?
Destruction. Je veux noyer ma rage avec Jack, enchaîner les verres pour me
libérer. Laissez-moi sombrer le temps d’une soirée, d’une nuit au rythme d’une
chanson passée en boucle durant des heures. Je m’écrase au sol, je rampe devant
le sort et accepte la fatalité. J’ai voulu mourir, quelque chose m’a sauvé :
le problème n’est toujours pas réglé.
Sonneries de téléphone : s’il
te plaît ! Mon Amour, n’appelle plus.
Il faudra que je vive avec, il
faudra que j’accepte l’idée que mon heure n’est pas arrivée. Miraculé ? Tu
parles. Maudit ? Y’a de ça ! Admirez-moi du haut de mon mètre
quatre-vingts, laissez-vous bercer par mes maux. Je ne suis qu’une note sur une
portée, une demi-mesure au sein d’une éternelle symphonie et je flancherai
quand le maître d’orchestre l’aura décidé. Et si je dois me reconstruire,
autant sortir le grand jeu et tout recommencer à zéro. Laissez-moi me détruire
le temps d’une soirée, histoire que le jeu en vaille la chandelle.
Sonneries de téléphone :
putain ! Laisse-moi !
Je ne suis qu’une brique jaune s’emboîtant
dans les autres sur une surface verte, une pièce de Lego remplaçable et sans
doute inutile. Ce qui compte, c’est l’ensemble, la maison jaune, rouge et
bleue. Tu parles ! S’il y a un trou dans l’un des quatre murs, qui le
remarquera ? Au jeu de la vie, personne n’est vital, nous sommes tous des
données permutables, nous sommes tous dispensables. Et alors ? Pourquoi n’ai-je
pas pu disparaître au fond de l’eau ?
Sonneries de téléphone :
putain ! Ta gueule !
Avant ce saut glacé, j’avais
tout. Si le chef d’orchestre a décidé de me laisser une seconde chance, je veux
la saisir ! Après tout, recommençons avec l’ardoise à zéro, effaçons
péchés et bonnes actions, soyons un homme neuf et renaissons. Renaissance,
essence de mon âme. Je veux tout recommencer et pour cela, je dois me détruire
et me reconstruire jusqu’à la pirouette finale. Et peut-être que là, cette
fois-ci, la sortie sera heureuse ? Oublions les chutes malheureuses et
sortons en fanfare, défilons fièrement. Attention, ceci n’est pas une promotion
pour la Gay-Pride,
juste mon nouveau chemin de vie.
Sonneries de téléphone : il
insiste, le bougre !
La tête entre les mains, la
douleur m’envahit le crâne. Il est dur de réfléchir avec une demi-bouteille
dans le sang pourtant je le sens. J’y suis presque. Je suis la larve zéro, l’alpha
de l’homme. Personne ne peut se sentir aussi bas et humilié que moi. Nu, la
verge entre les jambes, un verre dans la main, une clope dans la bouche et
cette main qui caresse vigoureusement mais tendrement la froideur et la dureté
de ce clavier. Je me sens sale…
Non !
Je suis sale, je suis une loque
humaine, une serpillière, je suis le nombril du trou du cul de personne, l’odeur
putride des égouts, j’ai les cheveux gras, des nausées, il ne reste rien de
moi. Je suis un homme brisé, un homme qui a voulu se briser. Se salir pour renaître
blanc. Doux paradoxe au rythme endiablé de ma demi-mesure.
Cette fois-ci, le chef d’orchestre
ne me tapera plus sur les doigts avec son bâton inquisiteur.
Cette fois-ci, il m’accompagnera
et je ferais partie intégrante de cette douce mélopée.
Je suis un silence, une pause
mais au moins, demain, lorsque la gueule de bois partira, je ne serai plus un
couac. Une croche, double-croche ou, si la portée me le permet, une ronde orgueilleuse.
Laissez-moi m’humilier le temps d’une nuit pour récupérer ma fierté demain !
Ah ça oui ! Je renaîtrai plus fort que jamais.
Sonneries de téléphone :
Adieu connard !
Demain, je serai un homme
nouveau, libéré de toutes les entraves qui m’ont coulé au fond de ce fleuve
endormi.